La mort du pape François

Avant les conclaves, avant les dogmes, avant les fresques et les ors du Vatican : il y eut un homme. Un souffle, un nom, une voix. François.

Aujourd’hui, ce souffle s’est éteint. Mais le monde, lui, retient son souffle. Car il ne s’agit pas seulement d’un décès — mais d’un vide laissé au sommet d’une Église, d’un État, d’un symbole. Dans cet épisode, nous revenons sur le destin du premier pape venu des confins du Sud, sur ses combats, ses contradictions, et sur le mystère de la succession. Que reste-t-il quand s’éteint celui qui incarnait la foi de milliards d’âmes ?

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Un pape, un homme.

La mort d’un Chef d’Etat alarme la scène internationale, la mort d’un chef religieux la secoue presque tout autant. Que devient le monde quand une seule et même personne porte les deux casquettes ? Chef de la Cité du Vatican, mais aussi de l’Eglise catholique romaine et évêque de Rome, qui était François, quels ont été ses moments forts et ses points faibles jugés par sa communauté religieuse, et comment va se poursuivre le rôle de la Papauté au lendemain de sa disparition ?

« Des funérailles dignes, mais comme n'importe quel chrétien : car l'évêque de Rome est un pasteur et un disciple, il ne fait pas partie des puissants de ce monde », disait le Pape François au sein de son autobiographie de janvier 2025.

Au lieu du traditionnel cercueil triple imbriqué en cyprès, en plomb et en chêne, le Pontife préfère un cercueil simple en bois et en zinc. Une simplicité de mort qui coïncide avec une vie humble malgré son statut de Pontif.

Mais qui était-il réellement ? Petit retour rapide sur ses nominations précédent son statut de Pape.

Ordonné prêtre en 1969, il devient provincial des jésuites (le supérieur religieux d’une « province » jésuite) en Argentine de 1973 à 1979. Il finit par être nommé archevêque de Buenos Aires en 1998, soit une dizaine d’années après. Jean-Paul II, Pape en son temps, le nomme Cardinal en 2001. Il est apprécié par son approche religieuse envers les communautés précaires dans les quartiers défavorisés. On le surnomme alors “l'évêque des bidonvilles".

Jorge Mario Bergoglio devient le 266e pape lors de sa proclamation le 13 mars 2013. Il est alors âgé de 76 ans. Argentin, il est surtout le 1er Pape hors Union européenne, et ce depuis la période de l’Antiquité. Cela ne semble donc pas anodin : le Chef d’Etat d’un pays européen provient en réalité d’un pays d’Amérique du Sud.

il se choisit comme prénom François, pour son service en hommage à saint François d'Assise. Ce n’est donc pas anodin dans ce qu’il voit de sa fonction au sein de la papauté : Par son humanisme et sa dévotion au Christ, ce saint a apporté de l'espoir aux démunis, aux marginalisés et à ceux qui sont peu appréciés, notamment auprès des lépreux dont l’épisode du baiser à l’un de ces malades résonne comme un clin d’œil à la guérison d’un lépreux par le Christ.

Selon le Vatican News, on compte 1,406 milliard de catholiques dans le monde. C’est donc sans surprise que ce Chef d’Etat exerce une grande influence géopolitique, notamment par le soft power. « Son discours sur la migration ou le climat l’a inscrit dans une diplomatie morale appréciée bien au-delà des cercles religieux, y compris parmi des non-croyants, notamment aux États-Unis. Une rare position d’autorité transversale à l’ère de la fragmentation des pouvoirs spirituels. »

Il bouscule également les codes très stricts de l'église. Fin 2019, le pape lève le secret pontifical sur les violences sexuelles sur mineurs. Pour rappel, ce secret est inscrit dans le Code de droit canonique de 1983, à l'article 983-1 : « Le secret sacramentel est inviolable ; c'est pourquoi il est absolument interdit au confesseur de trahir en quoi que ce soit un pénitent, par des paroles ou d'une autre manière, et pour quelque cause que ce soit. » 

Malgré tout, il a gardé la ligne de conduite de beaucoup de fondements catholiques, demandant certes à ne pas juger les femmes ayant recours à l'avortement mais condamnant fermement cette pratique en qualifiant de tueur à gages des médecins usant de cet acte médical. En Belgique, un grand nombre de débaptisations a entraîné ce discours, en gage d’opposition aux idées cléricales.

Sa mort le 21 avril, soit le lundi de Pâques, marque la fin d’un pontificat long de 12 ans. 

Le protocole pontifical   

On change totalement le programme du Vatican et même des activités de la communauté religieuse. Les cardinaux doivent se réunir à Rome dans le but d’organiser les funérailles du pape, mais aussi de préparer la suite de la papauté avec la préparation des élections dans les quelques jours qui suivent la mort du dernier Pape en date. Il s’agit de la période de vacance du siège apostolique (Sede Vacante) obligeant les ministres du gouvernement de l'Église de cesser toutes leurs fonctions, à l’exception du cardinal camerlingue.

Le camerlingue, qui est un cardinal placé à la tête de la chambre apostolique doit annoncer officiellement la mort du Pape. Pour cela, il doit d’abord constater la mort : il doit appeler le pape par son nom de baptême à trois reprises. Si celui-ci ne répond pas, le pape est alors considéré comme mort.

Son rôle reste très limité, puisqu’il est présent surtout et pratiquement que pendant la période de transition au décès du Pape 

Le camerlingue actuel (à la date de la mort du pape, NDLR) est le cardinal Kevin Farrell, nommé à ce poste par François le 14 février 2019.

Par la suite, il va être question de la destruction de « L'anneau du pêcheur », l’anneau papal qui est systématiquement brisé après la mort du pontife détenteur du bijou, symbole de l'autorité épiscopale. Le camerlingue en prend possession lors du décès du pape pour, rapidement, le détruire, bien sûr en présence d’un groupe de hauts religieux pour veiller à la bonne cérémonie : le Collège des cardinaux. L’objectif est simple : mettre un terme définitif au service du pontife qui a quitté la terre, mais également d’éviter tout vol, falsification ou contrefaçon de la bague. A l’origine, elle permet de sceller certains documents. On imagine donc la double importance de cette bague : le côté personnel et spirituel pour le détenteur, mais également la signature qu’elle procure. Là encore, le pape François rompt la tradition en, je cite, « recyclant une bague ». une bague en argent plaqué or plutôt qu'en or. Le pape argentin a décidé que l'anneau normalement fabriqué sur mesure par un orfèvre, soit façonné à partir d'une bague qui appartenait au secrétaire de Paul VI, l'archevêque Pasquale Macchi, mort en 2006. 

Ensuite, vient le moment des funérailles, intervenant rapidement après le constat du décès, dans les quelques jours. Pour le Pape François, le décès a eu lieu au lundi de Pâques, il est ensuite inhumé le samedi 26 avril à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome, selon son souhait avant sa mort, tandis qu'habituellement, le lieu est au Vatican, sous la basilique Saint-Pierre de Rome. On a affaire une nouvelle fois à une divergence. Enfin, après ce long périple, 9 jours de deuil sont consacrés à la fin de ce rite. Il s’agit là d’une ancienne tradition où, pendant ce qu’on appelle ces Novemdiales, des messes seront célébrés en l’honneur du Pape François.

L’élection d’un nouveau Pape : le conclave

A présent, il faut penser à un nouveau Pape, et ce dernier est élu, et non nommé. Cela signifie donc qu’il y a des élections et, comme tout le reste, ces dernières restent très protocolaires. C’est le conclave, l’Assemblée des cardinaux réunis pour élire un nouveau pape. Conclave signifie « avec clé » : en d’autres termes, personne ne ressort tant que le nouveau pape n’est pas connu. On rassemble les cardinaux électeurs qui sont les hauts dignitaires de l’Eglise. Ces derniers ne doivent pas avoir plus de 80 ans. 135 cardinaux électeurs (âgés de moins de 80 ans) désigneront dans quelques jours le successeur de François. (Il y a 252 cardinaux dans le monde (au 19 février 2025)). Normalement, on fait voter 120 cardinaux, mais le pape François a nommé 21 nouveaux cardinaux en décembre 2024. Alors, comment se passent ces élections ?

Les cardinaux se réunissent dans la chapelle Sixtine pour commencer l’élection, après une messe dans la basilique Saint Pierre. C’est assez intéressant car il s’agit réellement d’une étape très secrète et codifiée, avec le fameux ordre « extra omnes » qui signifie « tout le monde dehors ». On ne peut réaliser l’élection si une personne étrangère au protocole est présente.

 La constitution apostolique Universi Doniminici gregis vient régir l’élection du nouveau pontife. C’est une cérémonie sacrée, où il est dit que chaque vote de chaque cardinal serait guidé par l’Esprit saint. En d’autres termes, rien n’est choisi au hasard, ce qui donne un côté divin, en démontre le cantique Veni Creator qui vient appeler l’Esprit saint lors du début de la procession des cardinaux. Malgré tout, cela reste assez politique, puisqu’entre les votes, les cardinaux abordent entre eux les qualités des candidats.

Le premier jour, soit après la messe, un seul vote est réalisé, mais on monte vite à deux le matin et deux  l’après midi, dès le lendemain. Le vote, encore une fois, est très protocolaire. chaque cardinal électeur inscrit le nom du candidat qu'il souhaite favoriser sur un bulletin de vote, en étant prié d’utiliser une écriture différente de la sienne. Le nom inscrit suit la mention « Eligio in Summum Pontificem », qui signifie en latin « J'élis le Souverain Pontife ».

Admettons qu’aucun pape ne ressorte de ces votes du premier et du deuxième jour, l’élection est mise en pause pour le jour numéro trois, laissant les cardinaux dans la prière et la contemplation. Dès le lendemain, le rite reprend.

Cela peut durer relativement longtemps, et pour cause : le nouveau pape doit rassembler les deux-tiers des voix ! Mais alors, comment sait-on qu’un nouveau pape est élu, si personne ne peut rentrer ? Eh bien, il suffit d’observer la fumée : La chapelle Sixtine libère deux fois par jour une fumée dont la couleur est influencée par la teinte donnée aux bulletins brulés : si elle est noire, aucun pape n’a encore été élu. Si elle est blanche, Habemus papam ! autrement dit, nous avons le pape.

Par la suite, le nouveau pape prend un nom et met ses habits de fonction. Les cardinaux lui promettent obéissance.

Il vient s’exprimer auprès de la foule devant la basilique saint pierre, en entonnant la bénédiction traditionnelle Urbi et Orbi – en latin : « À la ville et au monde ».

Un article écrit par Andréa LAQUET, en ligne le 24 mai 2025