Léon XIV : La fonction papale

Avant les couronnes, avant les dogmes, avant les conclaves : il y eut une clé.

Non pas celle d’un royaume terrestre, mais celle du ciel — confiée, selon la tradition, à un pêcheur nommé Pierre. Depuis, une lignée ininterrompue traverse les siècles : celle des papes. Dans cet épisode, nous explorons les profondeurs d’un pouvoir unique au monde — à la fois spirituel et temporel, mystique et diplomatique. Qu’est-ce qu’être pape ? D’où vient cette autorité ? Et que signifie incarner, encore aujourd’hui, l’unité de l’Église face au tumulte du monde ?

🎙 Écoutez cet épisode et plongez au cœur d’une fonction entre foi, politique et éternité.

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Le Pape : une personnalité d’influence !

La fumée blanche est sortie de la cheminée de la Chapelle Sixtine le 8 mai 2025 aux alentours de 19h20. Si certains fêtaient l’anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, d’autres attendaient l’arrivée du nouveau Pontife. En seulement deux jours et quatre tours de votes, Robert Francis Prevost, de nationalité américaine, sort du lot. Habemus Papam. Mais qui est-il, et quelles sont les conséquences de l’arrivée d’un États-unien au Vatican ?

Le parcours de Léon XIV

Tout d’abord, qui est l’Américain Robert Francis Prevost, ou plutôt Léon XIV, nom de Pape qu’il a décidé de prendre ? Ce nom n’est pas anodin : il rend directement hommage au Pape Léon XIII, le premier pontife du XXème siècle. Il s’inscrit donc dans ce qu’on pourrait appeler la lignée du social, puisque Léon XIII, premier Pape du XXème siècle, engage de grandes réformes sociales entre 1878 et 1903, en publiant notamment la doctrine « Rerum Novarum » de 1891. Cette dernière visait à dénoncer la misère subie par la classe ouvrière. Il pointe d’ailleurs du doigt « la concentration, entre les mains de quelques-uns, de l’industrie et du commerce […] qui imposent ainsi un joug presque servile à l’infinie multitude des prolétaires ».

 

« Dieu nous aime tous, insiste-t-il. Le mal ne prévaudra pas ». Tels sont ses premiers mots lorsqu’il se dévoile au balcon le 8 mai 2025, une heure après la sortie de la fumée blanche de la Chapelle Sixtine. Dans la lignée du Pape François et contre les idées de Trump, il a à cœur de réformer l’Eglise pour une plus grande inclusivité. Il a également été missionnaire au Pérou pendant une vingtaine d’années. Ordonné prêtre en 1982, il œuvre dans ce pays d’Amérique latine dès 1985. Il finit d’ailleurs par en obtenir la nationalité. Il connaît bien le Pape François : En novembre 2014, ce dernier le nomme administrateur apostolique, un rôle de gouvernance temporaire dans un diocèse. Rapidement, il est nommé évêque du diocèse de Chiclayo au Pérou en 2015. Enfin, 8 ans plus tard, il rejoint Rome pour succéder au cardinal Ouellet comme préfet du Dicastère pour les évêques, en avril 2023. Pour comprendre son importance, le dicastère est un organisme constitutif de la Curie romaine, jouant un rôle central lors de la sélection des évêques dans le monde entier. Le 30 septembre 2023, Robert Francis Prevost est nommé cardinal par le Pape François.

Le rôle spirituel, politique et symbolique du pontife au Vatican

Mais alors, quel est donc le rôle du Pape ? Tout d’abord, il a une double casquette. Il est à la fois le responsable des 1,4 milliards de catholiques, mais aussi le chef d’État du Vatican. Il apparaît donc d’un côté comme un chef spirituel, donnant les grandes directives de la religion catholique à ses fidèles. Il s’assure aussi de construire un discours qui lui est propre, tout en conservant tout de même les grandes directions de l’Église.

Il est aussi Chef de la cité du Vatican. Ainsi, il reçoit des chefs de gouvernement, ou encore il signe des concordats. Il nomme également des diplomates, afin de réaliser diverses représentations ou négociations dans les autres États, Le nonce apostolique (de l'italien Nunzio, lui-même du latin nuntius « message » ou « messager ») est par exemple un agent diplomatique du Saint-Siège, accrédité comme ambassadeur de ce dernier auprès des États. Le Vatican, bien que nommé plus petit État du monde, a un statut d’observateur à l’ONU.

Il a également un rôle d’influence fort sans entrer dans la violence économique ou encore militaire. C’est ce qu’on appelle le Soft power, défini par Joseph Nye à qui on rend par la même occasion hommage, comme « la capacité d'un État à influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur ». 

Il guide bien sûr les catholiques dans leur vie spirituelle, mais son opinion pèse également dans les débats de la scène internationale. On le voit notamment lors du pontificat de François lorsqu’il s’est prononcé sur l’avortement ou encore le climat. L’avenir nous dira dans quelle mesure il peut influencer la communauté internationale. Mais quelques temps après son élection, et seulement quelques jours après les négociations entre l’Ukraine et la Russie en Turquie, notant l’échec d’un accord de trêve entre les deux États, le Pape a reçu le Président Zelensky.

Pour rappel, l’Ukraine est un pays à majorité orthodoxe. Il y avait déjà eu une rupture avec la Russie concernant la religion en 2023 avec une date de Noël fêtée le 25 décembre et non plus le 7 janvier conformément au calendrier julien que l’on voit en Russie.

En effet, l’Ukraine juge que l’Eglise orthodoxe russe est bien trop présente dans les affaires politiques ukrainiennes, et en contexte de guerre entre les deux, le Président Zelensky souhaite s’en éloigner pour limiter l’influence russe. Cette rencontre avec le Pape peut donc être perçu comme un rapprochement avec le catholicisme mais aussi l’Europe. 

Un Américain au Vatican : quelle analyse ?

Le Vatican est un État européen qui laisse un Américain en pousser les portes. Une analyse est donc à réfléchir sur le long terme concernant les conséquences d’un deuxième Pape hors Europe, puisque François était lui-même argentin. Le statut d’État du Vatican assure au Pape un avantage stratégique par rapport aux autres religions en Europe. Les Catholiques sont également représentés dans d’autres instances par l’intermédiaire des représentants d’ordres monastiques ou de congrégations religieuses. Les Jésuites disposent de quatre bureaux auprès des institutions européennes. Ainsi donc, il convient d’attendre de voir si l’influence américaine sera palpable ou non pendant son pontificat.

On a vu que le Pape a donc un véritable rôle d’influence. Jean-Paul II a combattu le totalitarisme communiste. Son engagement a contribué de manière importante à la mobilisation de sociétés entières de l’Europe de l’est qui ont activé le processus de dissolution de l’ex-bloc soviétique. Également, le rapprochement entre l’administration Obama et le gouvernement cubain tient à l’engagement pontifical pour une large part. On se rend donc bien compte que le Pape peut réellement impacter la scène européenne et internationale.

Dès lors, voir un Américain, certes contre les idées de Donald Trump, mais élu dans un contexte tendu entre la politique américaine et l’Union européenne et l’Asie, devenir chef d’un État européen peut réellement questionner. Le président Trump avait même publié une photo de lui habillé en Pape, et avait salué le Pape Léon XIV par ces mots : « quel grand honneur ». Ainsi, l’avenir nous dira si oui ou non, la présence d’un Américain à la tête d’un État européen et d’un rôle de représentant des catholiques a un réel impact sur la scène internationale. Mieux encore, nous saurons rapidement quelle réelle direction pontificale le Pape Léon XIV décide de prendre pendant son élection.

Un article écrit par Andréa LAQUET, en ligne le 24 mai 2025