Introduction à l'hindouisme
Hindouisme : le souffle de l’éternel
Avant les dogmes, avant les temples, il y eut un chant. Un murmure sacré porté par les Védas, vibrant à travers le feu, l’eau, le ciel. L’hindouisme n’est pas une religion figée : c’est une constellation de chemins, un tissu de récits, une respiration du monde.
Dans cet épisode, nous entrons dans l’univers de Brahman, l’absolu sans forme, et de ses mille visages : Vishnou le protecteur, Shiva le danseur, Kali la terrible, Ganesha l’ouvreur de voie. Nous explorons le cycle du samsara, la loi du karma, et la quête du moksha — cette libération ultime où l’âme retrouve son origine.
🎙️ Écoutez cet épisode comme on pénètre dans un temple ancien. Chaque mot est un pas vers la sagesse, chaque silence une offrande au mystère.
➡️ Disponible aussi sur toutes les plateformes de podcast.
Vous nous l’aviez demandé, alors chose promise, chose due. Voici le podcast qui vous mènera au chemin éternel, aux confins de la Sanaran Dharma, j’ai nommé l’hindouisme.
Moins géopolitique qu’à l’accoutumé, ce podcast vous servira de guide tout au long des vidéos portant sur l’impact de cette religion en Inde et sur la scène internationale. Bienvenue dans ce petit cours de théologie qui saura vous donner les clés de la compréhension du polythéisme le plus répandu dans le monde. Bien sûr, tout ne peut pas être dit dans un seul podcast.
Aujourd’hui, nous comprendrons ce qu’est la religion hindoue et sa place en Inde, en la confrontant avec notre première recherche sur le nationalisme hindou de Savarkar. Pour y voir plus clair et y aller progressivement, voilà ce qui sera traité aujourd’hui : la terminologie de l’hindouisme et son origine, les buts de cette religion, les cycles, mais également la mention des dieux et des textes.
D’autres podcasts viendront donc préciser certains points, comme des divinités en particulier, les grandes lignes des différents textes, les symboliques ou encore les quatre buts que nous allons rencontrer aujourd’hui.

L’hindouisme : quel polythéisme ?

L'hindouisme est la principale religion polythéiste d'aujourd'hui, devant le bouddhisme ou encore le shintoïsme. On dit même qu’il s’agit de la troisième religion au niveau du nombre de fidèles, avec près d’un milliard d'adeptes de l’hindouisme.
La religion, dans son sens général, détient une idée de collectif (conversion, colonisation, expansion) et une notion d’individualité (la recherche de la foi personnelle). Ici, on est plutôt dans l’individuel, le personnel : l’hindouisme n’a pas cette vocation à s’étendre ou encore à convertir.
D’ailleurs, c’est un peu l’arme des nationalistes hindous, qui parlent d’une terre sacrée qu’est l’Inde, et d’une religion qui en découle : l’hindouisme. Bien sûr, tous les Indiens ne sont pas hindous, et inversement. Mais qu’en est-il réellement de cette religion ?
Voyons voir son sens, sa terminologie.
Elle est tout d’abord considérée comme un exonyme. Cela signifie que son nom a été donné non pas par ses fidèles mais par d’autres groupes de personnes hors de la communauté. À l’origine, il est dérivé du persan Sindus, désignant le peuple vivant de l’autre côté de l’Indus (fleuve d’Asie). Les hindous, eux, nomment leur courant Sanaran Dharma, signifiant « chemin éternel ».
Voyons à présent cette idée de chemin, de structure de la vie d’un fidèle. Que recherche-t-il ? Nous l’avions vu dans notre podcast sur la naissance du nationalisme hindou, mais rappelons-le : la religion met la vie au centre de tout, qu’elle soit humaine, animale, mais aussi matérielle ou encore énergétique. Tout cela est supervisé par l’esprit unique qui relie le tout. Les hindous se réfèrent à quatre concepts visant à déterminer sa propre destinée et un choix de vie personnel et libre, éclairé. On a pour cela :
Anādi
Karma
Le Samsara
Le Moksha




Dans la pensée hindoue, anādi signifie littéralement : sans commencement. Cette notion brise l’idée linéaire du temps pour adopter une conception cyclique, où l’univers n’a ni origine absolue ni fin définitive.
Contrairement aux religions abrahamiques, qui postulent un acte créateur inaugural, l’hindouisme voit le cosmos comme un éternel recommencement — rythmé par les phases de création (sṛṣṭi), de préservation (sthiti) et de destruction (saṃhāra), assurées respectivement par Brahmâ, Vishnu et Shiva.
L’anādi s’applique aussi à l’âme (ātman), qui n’a jamais été créée, mais qui a toujours existé, migrante, en quête d’unité avec Brahman, le tout. Cette absence d’origine ne signifie pas chaos, mais au contraire, permanence au sein du changement, structure dans le cycle, vibration dans l’éternité.
Le karma (action) est l’un des concepts les plus fondamentaux de l’hindouisme. Il désigne non seulement les actes, mais aussi leurs conséquences, dans une logique de causalité éthique : chaque action génère un effet, ici ou dans une vie future.
Le karma n’est pas une punition divine, mais une loi morale immanente — aussi naturelle que la gravité.
Il s’inscrit dans la continuité du dharma, la voie juste, et devient ainsi un principe régulateur du cycle des renaissances. Comprendre son karma, c’est devenir responsable de son existence, choisir consciemment sa voie, et surtout, comprendre que la libération ne se joue pas dans la fuite du monde, mais dans la justesse de l’action.
Le samsāra désigne le cycle perpétuel de naissance, de mort et de renaissance, auquel tous les êtres sont soumis tant qu’ils ne sont pas libérés par la réalisation spirituelle.
Ce n’est pas un « enfer », mais une condition d’errance, souvent marquée par la souffrance, car elle implique l’ignorance, l’attachement et l’illusion (māyā).
Dans la cosmologie hindoue, l’âme passe de corps en corps selon son karma, traversant les six formes d’existence, allant des mondes célestes aux enfers, des vies humaines aux formes animales. Chaque vie est une occasion de progresser, de comprendre, d’approcher l’éveil — ou de s’en éloigner.
Moksha est le but ultime de l’existence selon l’hindouisme. Il désigne la libération du cycle du samsāra, la fin de la transmigration, l’union de l’ātman avec le Brahman.
C’est un état d’éveil absolu, de conscience pure, dans lequel disparaissent le désir, l’attachement, et la dualité entre le sujet et l’objet.
Moksha n’est pas le paradis, mais plutôt l’abolition de toute illusion. Plusieurs voies y mènent : la voie de la connaissance (jñāna), la dévotion (bhakti), l’action désintéressée (karma yoga) ou la méditation (rāja yoga). Atteindre moksha, c’est dissoudre l’ego, comprendre que tout est un — et qu’il n’y a plus rien à chercher.
Ils recherchent également quatre buts à atteindre :
Kama
Artha
Dharma
Le Moksha




Kāma désigne l’ensemble des plaisirs sensoriels, affectifs, esthétiques et érotiques. Dans l’hindouisme, le plaisir n’est pas un péché, mais un aspect fondamental de l’expérience humaine — lorsqu’il est vécu avec conscience, modération et dans le respect du dharma. L’amour, l’art, la musique, la beauté et même l’union charnelle trouvent leur place dans une quête de sens.
Le célèbre Kāmasūtra, souvent réduit en Occident à un manuel sexuel, est en réalité un traité de philosophie de la vie, de l’harmonie entre les êtres, du raffinement des sens et de la construction d’un lien équilibré entre désir et vertu. Le kāma n’est pas opposé à la spiritualité, il en est l’un des chemins, tant qu’il n’enchaîne pas l’âme.
Artha représente la richesse, la réussite sociale, l’abondance matérielle, mais aussi la sécurité et la stabilité dans le monde. Loin d’opposer spiritualité et réussite économique, l’hindouisme reconnaît l’importance de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Il ne condamne ni l’ambition, ni la propriété, ni la prospérité — tant qu’elles sont obtenues dans le respect du dharma.
Il ne s’agit pas d’un hédonisme aveugle ni d’une glorification de l’égo, mais d’un principe d’équilibre entre aspiration terrestre et ordre cosmique. L’artha bien acquis est un fondement solide pour atteindre moksha, car il permet de pratiquer la générosité, la piété, et la stabilité intérieure.
Dharma est un terme-clé de toute la pensée indienne. Il désigne à la fois la loi cosmique, l’ordre du monde, et la conduite juste de l’individu selon son âge, sa nature, sa caste, sa situation. Le dharma n’est pas un commandement imposé, mais une orientation à découvrir, à intégrer. Il régit les rituels, les obligations sociales, la morale personnelle, mais aussi les lois naturelles.
Il est le cœur éthique du système hindou : l’épine dorsale de la justice divine. Suivre son dharma, c’est harmoniser sa vie avec l’ordre du monde. C’est dans cette quête que l’on retrouve des éléments proches de la piété : le respect des aînés, la récitation des mantras, la droiture dans l’action, et la dévotion envers le sacré.
Moksha est le but ultime de l’existence selon l’hindouisme. Il désigne la libération du cycle du samsāra, la fin de la transmigration, l’union de l’ātman avec le Brahman.
C’est un état d’éveil absolu, de conscience pure, dans lequel disparaissent le désir, l’attachement, et la dualité entre le sujet et l’objet.
Moksha n’est pas le paradis, mais plutôt l’abolition de toute illusion. Plusieurs voies y mènent : la voie de la connaissance (jñāna), la dévotion (bhakti), l’action désintéressée (karma yoga) ou la méditation (rāja yoga). Atteindre moksha, c’est dissoudre l’ego, comprendre que tout est un — et qu’il n’y a plus rien à chercher.

Mais alors, selon l’hindouisme, les humains sont-ils dans un calendrier en particulier ?
Si nous avons actuellement un calendrier connu en France, nous datant en 2025, l’islam utilise plutôt un calendrier hégirien. Les hindous, eux, ont des cycles.
Quatre cycles se succèdent :
- Le Satya Yuga, sur 5 184 ans ;
- Le Treta Yuga avec ses 3 888 ans ;
- Le Dvapara Yuga durant 2 592 ans ;
- Le Kali Yuga sur 1 296 ans.
Ces quatre cycles représentent différents âges : l’âge d’or, l’âge d’argent, l’âge d’airain et enfin, le nôtre, sombre, l’âge de fer. Bon, rien de bien glorieux pour nous, et cela coïncide finalement avec l’actualité : Le prochain cycle redeviendra donc l’âge d’or.
Mais alors, comment est agencée cette religion polythéiste ? L’hindouisme n’a pas de prophète, comme Moïse par exemple ou Noé, ou encore de fondateur. 33 millions de Dieux ? Il n’y a pas un Dieu unique, mais une infinité de formes divines. Certains sont plus connus que d’autres, comme le dieu Agni sur la terre, le dieu Vâyu/Indra dans les airs, le dieu Sûrya dans le ciel. Bien sûr, les trois dieux que vous connaissez le plus restent Brahma, Vishnu et Shiva : le premier pour la création, le deuxième pour la préservation, le troisième pour la destruction.
Mais pouvons-nous nous référer à des textes ? Assurément. Les quatre Vedas, comprenant des poèmes, des chandas qui sont des poésies, des formules rituelles (yajus) ; ou encore, de longs développements en prose, de caractère spéculatif etc. En dehors des Vedas, on peut retrouver le Mahabharata, qui lui, aborde les dilemmes moraux, les conflits de loyauté, les guerres justes. C’est ce que Savarkar a mobilisé pour justifier un nationalisme viril, actif, en valorisant l'action juste même dans la violence.
Et l’Inde, dans tout ça ?
L’Inde est majoritairement hindoue, avec environ 80% de la population pratiquant cette religion. Mais elle abrite aussi une mosaïque de minorités religieuses qui vont nous intéresser, dont la plus importante est la communauté musulmane, sunnite pour la plupart, aux alentours de 15%.
D’ailleurs, il est dit qu’avec la démographie indienne, l’Inde sera un jour le premier pays musulman en termes de fidèles. C’est bien là tout l’enjeu. Historiquement, les minorités et donc l’islam, ont été protégées par la Constitution indienne, qui garantit la liberté religieuse. Mais aujourd’hui, la montée du nationalisme hindou remet en question cet équilibre, et les musulmans sont particulièrement visés par ces tensions.
Le nationalisme hindou, qu’on appelle aussi hindutva, émerge dans les années 1920, avec une idée originelle de Savarkar, et surtout en réaction au mouvement de Gandhi, jugé trop séculariste.
À partir des années 1990, ce courant prend de l’ampleur dans la société indienne. Ses partisans, qui se considèrent comme les véritables habitants originels de l’Inde, estiment que les minorités doivent reconnaître l’hindouisme comme fondement identitaire du pays. Ce tournant idéologique s’est illustré de façon spectaculaire en 1992, avec la destruction de la mosquée de Babri à Ayodhya, un lieu construit au XVIIe siècle.

En 2014, le nationalisme hindou arrive officiellement au pouvoir avec l’élection de Narendra Modi, leader du Bharatiya Janata Party. Son ascension suscite rapidement des inquiétudes, notamment à cause de son rôle controversé lors des violences intercommunautaires au Gujarat en 2002, quand il était chef de l’État régional. À l’époque, plus de 2 000 musulmans avaient été tués, et Modi est accusé d’avoir fermé les yeux sur les exactions. Depuis son arrivée au pouvoir, les tensions religieuses se sont accentuées. La vache, animal sacré dans l’hindouisme, est même devenue un symbole politique, parfois utilisé pour justifier des violences. Aujourd’hui, le sécularisme indien est mis à mal, et les minorités religieuses subissent de plein fouet la montée d’un discours politique qui attise les divisions communautaires.
Un article écrit par Andréa LAQUET, en ligne le 30 mai 2025